Amas de corps noueux pêle-mêle entassés
Ne pouvant de leurs doigts se suspendre aux nuages
Partout gisent des ceps l'un à l'autre adossés,
Victimes d'une époque aux coutumes sauvages...
Grave et silencieux, l'homme, les poings serrés
Et le regard mouillé, prémices d'un orage,
Plutôt que de gémir maints jurons éplorés,
Avec peine contient le cri sourd de sa rage...
D'une triste colère il maudit l'horizon,
Tant de rêves brisés, d'amour pour cette terre,
De sueur et d'efforts à la morne saison ;
Sur sa joue une larme et il pense à son père...
Comme lui le vieil homme a donné sa santé
A ce Dieu noble et beau dont l'étrange ramure
Enfantait le fruit mûr d'une sombre clarté
Et de l'âme du vin ; il entend le murmure...
Orphelin de la vigne, il demande pardon
De n'avoir préservé l'ancestral héritage.
Solitaire, il se sent, le cœur à l'abandon,
Complice, malgré lui, du funeste abattage...