À l’écart des quidams vivant sur la grand place,
Dans une cave obscure, empli de va-nu-pieds,
Juste un bar enfumé tout au fond d’une impasse
Où jamais le soleil ne vient mettre les pieds…
On appelle ce lieu le trou du cul du monde,
La plaie et le couteau s’y donnent rendez-vous,
Bien trop de pauvretés l’atmosphère est immonde,
Le peuple des bourgeois y voit des loups-garous…
Ici, en vérité, seuls des pauvres diables,
Dans un verre crasseux, s’alcoolisent le soir,
Abandonnent reclus, pour deux sous misérables,
Leurs chagrins quotidiens sur un coin du comptoir…
Usés par le travail, cibles de la lésine,
Laissés sur le carreau sans un remerciement,
Certains sont au chômage après vingt ans d’usine
Et tentent de survivre à leur licenciement…
Dans l’insane clarté d’une ampoule blafarde
Qui pendouille au plafond, tord-boyau frelaté
Donne un semblant d’espoir à cette foule hagarde
Dont l’ombre, lentement, expire en aparté…
Il arrive parfois que l’un d’entre eux malade,
S’écroule sur le sol les nuits de mauvais vin,
Le lendemain il part, sans même une accolade,
Dans la fosse commune en marge du destin…
À la fois gueuse et belle en ce bouge minable,
Comme femme infidèle aux multiples amants,
Misère est amarrée autours de chaque table
Et rêve malgré tout à des princes charmants...