Dans ce pays mouillé, de grands ormes chenus
Capturent les oiseaux aux bords des marécages,
Sur des tapis volants, des elfes viennent nus,
Entre deux lunaisons, roder près de leurs cages…
Certains passent leurs mains entre les croisillons,
Bruissements de satin aux liserés des plumes,
D’autres rampent sur l’eau, comme des bataillons,
Et couvrent les roseaux de leurs manteaux de brumes…
De tulle et de coton, des voiles vaporeux
Caressent les contours des rives imprécises
Où des saules-pleureurs s’épanchent langoureux
En regardant couler les heures indécises
Qui, le long des rameaux, suintent dans les marais
Sans jamais en percer l’ombrage et les mystères…
En cet endroit sauvage, où s’estompent les rais,
L’humide et la fraîcheur ensemencent les terres…
Quand la brise gazouille à travers les rameaux,
L’on entend s’élever un chant tendre et fugace,
Oscillant de la tête aux pourtours des canaux,
Sur les berges, les joncs jouent de la contrebasse,
Les herbes, en chorus, sortent leurs violons
Et des feuilles de cuivre esquissent une danse…
Valses ou longs tangos, il pleut des papillons
Qui tourbillonnent puis se posent en cadence
Aux pieds des nénuphars dont les cœurs paresseux
Tanguent au rythme lent des saisons languissantes…
Mon âme lasse glisse en des chemins suiffeux
Et se disperse au fil des aubes frémissantes,
Froissements de draps blancs dans le jour pâlissant,
En chemise de soie, une belle ingénue
A laissé derrière elle un parfum renversant ;
Le palud a les yeux d’une femme inconnue…