Guernica mon enfant, sans remords les oiseaux,
Découpent l’horizon à grands coups de ciseaux,
Manhattan est en sang, l’Amérique est en larmes,
Le verbe est orphelin quand mugissent les armes…
Oradour mon amour, le funeste taureau
Réveille la douleur du sinistre carreau,
Revoici l’infamie ! Un souvenir posthume
Emporte vers Madrid son wagon d’amertume…
Jérusalem ma mie, en ton sein tourmenté,
Des étoiles de sang se fanent sans beauté,
D’un effroi, l’araignée en ton cœur s’éternise,
Sous le joug du canon ton espoir agonise…
De Kaboul à Groznyï fleurissent des ghettos,
L’intolérance émoud de tragiques couteaux,
Egoïste, l’esprit instaure la censure,
L’étau du cauchemar évase la césure…
Le factum du goulag, le faubourg de l’horreur
S’échappe des recueils, victime de l’erreur,
Sur le fil du hasard un martyr se balance,
Le cri de l’innocent épaissit le silence…
Des sanglots du pendu, de l’enfant sans tombeau,
Du calvaire des camps, du sinistre flambeau,
D’Igor et de Lévy, fantômes de l’histoire,
Ma pauvre Anne, pardon ! Le monde est sans mémoire…
Fraternité ma sœur, le souffle du démon
Ensevelit ta chair dans l’aven sans limon,
Le garrot des terreurs alourdit la contrainte
Et l’homme de ton nom édulcore l’empreinte…
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Triste et brumeux, le jour s’annonce épouvantable,
De suie et de crachin le ciel rode en lambeau,
Sinistre et nasillard s’époumone un corbeau,
Dans l’aube s’insinue une voix détestable…