Je longe les murs gris du jardin de l’enfance.
Parmi les lis fanés, je cherche où je suis né.
Sur la route escarpée une ombre se balance,
Apparaît, disparaît le crâne trépané…
Quel est donc cet enfant qu’il me semble connaître ?
Fugace vision, tache rouge carmin,
Le souvenir me fuit avant même de naître ;
Une goutte de sang empourpre le chemin…
Il me semble avancé dans l’antre d’un nuage.
Lorsqu’un éclair parfois entrouvre mon regard,
Ronces et barbelés colmatent le passage,
Pour en trouver le seuil, je tâtonne au hasard…
J’ai beau creuser, fouiller, démembrer ma conscience,
M’immerger dans le noir, explorer le néant,
Rien ne vient éclairer lacune et déficience ;
Sentiment de chuter dans un grand trou béant…
Ce que je crois savoir n’est que perte et souffrance,
Le décès d’une sœur, le besoin d’être aimé,
Une femme qui pleure, un père dans l’errance ;
Il n’est pas un ancrage où je peux m’arrimer…
Le vide me pourfend, seule la solitude
Revient exacerber ce mal-être latent
Qui souvent m’interpelle, avec sollicitude,
Me laissant ignorant, indécis, pénitent…
Quels sont donc les non-dits celés par le silence ?
Sous la chape d’oublis, l’omerta, l’interdit
Quelles sont les raisons de cette ambivalence ?
Qui possède la clef de ce passé maudit ? ...
Quel secret obscurcit la rivière assoupie ?
Je ne sais pas vraiment qui je suis, d’où je viens.
Ma mémoire est un puits où l’eau stagne, croupie.
Sans racines, je vais, j’existe, je deviens…