Si jeunes, mais déjà le cœur plein d’amertume,
Regarde ! Si chétifs les enfants du bitume,
Si fluets et pourtant, le regard si rugueux,
Avant l’âge éreintés, vivant comme des gueux…
A la fois indomptés, farouchement sévères,
Ils bravent l’interdit pour combler leurs misères,
Otages des ghettos, voleurs ou assassins,
Ils posent la question de leurs tristes destins…
Engendrés par un monde, oublieux de l’éthique,
Ils sont la laideur que la société fabrique,
D’avance condamnés, sans pitié ni pardon,
Coupables d’être nés, ils vont à l’abandon…
Orphelins du bonheur, survivants des poubelles,
Le bon peuple s’émeut de leurs fiertés rebelles,
Mais aucun ne comprend leur désillusion,
N’écoute ce sanglot sans consolation…
Ainsi sont les humains, bâtisseurs de frontières,
Les uns sont au plus haut, les autres sans litières,
Pour les premiers le grain, pour les autres la faim,
Quand l’un monte au gibet, les nantis font festin…
Pour les uns le meilleur, pour les autres l’abîme
Et…, personne ne songe à écrêter la cime,
Des wagons d’opprimés languissent sur le quai,
Qu’un monde généreux leurs offre son bouquet…
Regarde ! Si chétifs, les enfants du bitume,
Si jeunes mais déjà, le cœur plein d’amertume,
Ils naissent comme ils vont sans espoirs avérés,
Nous avons les enfants que nous avons créés…