Je perçois tous vos mots le cœur en catharsis,
Encollés, l'un à l'autre, à cette table, assis,
Nul d'entre vous n'entend la vaste solitude
Dont je porte, muet, la triste servitude.
J'aurai voulu vous dire..., avec vous partager,
A quoi bon, je me tais pour ne point déranger !
Vous riez, vous chantez déclamant des « je t'aime ! »
Mais vous n'écoutez pas mon ultime poème.
Étrange impression, parmi vous, je suis là,
Et pourtant esseulé, transparent, au-delà,
Suspendu sur le fil ténu de l'espérance,
Dans l'attente, guettant avec persévérance
Une lueur de vos yeux, seulement désireux
D'un peu d'attention, d'un regard chaleureux...
Mais plus seul que jamais, perdu dans mon errance,
Revient le sentiment cause de ma souffrance ;
Je suis un étranger de vous tous méconnu,
Sur un cheval ailé, comme je suis venu,
L'image est là présente à chaque coin de page ;
Un jour, je partirai, discret sans équipage,
Pour un pays plus froid que l'hiver sibérien...
Demain, je serai mort et vous n'en saurez rien !...
Peut-être l'un de vous contera mon absence ;
Vous parlerez de moi...L'espace d'un silence,
Lors d'un fugace instant perdu dans l'avenir,
Soudain, j'existerai comme un vieux souvenir,
Une ombre ou bien un spectre, un fantôme halogène
Mais il sera trop tard, poussière d'oxygène
Emporté par le temps, je voguerai si loin
Vers un lieu sans mémoire où tout git dans un coin,
Hélas, puisque mon âme hante d'autres alpages,
A ma santé, buvez la liqueur des cépages !