Un ombre grise plane au-dessus de Carthage,
Les barbares ont peint ses minarets sans âge.
Sur les quais, dans le port plus même un brigantin
N’appareille. À genou, la parole s’éteint !
Les prophètes sont morts, l’enclume du silence
Étouffe la cité. Comme une pestilence,
L’interdit se propage et les songes brisés
Sont foulés, piétinés par des geôliers blasés.
Tête basse, échiné, dos courbé face aux armes,
Le peuple dépité n’a plus assez de larmes
Pour geindre et sangloter sur ses espoirs trahis ;
Brigands et scélérats les ont anéantis.
Palpable, la frayeur suinte des casemates,
Leurs murs, naguère blancs, en portent les stigmates…
Symboles de splendeurs broyées au laminoir,
La balance est faussée. Édenté, le lion noir,
Ensanglanté, meurtri lâche son cimeterre.
Capitaine et marins ont jeté sacs à terre.
Ossements de bois morts corrodés par le sel,
La galère punique a rejoint l’Éternel.
Sur la laisse de mer, échoué sur la grève,
Papillon éphémère, agonise le rêve…
Les roses de Tunis ont l’acide saveur
Des lendemains déçus, il n’est point de sauveur ;
Lueur blafarde errant le long des réverbères,
La liberté s’essouffle aux pieds de ses cerbères…