J’ai l’âme suspendue aux voiles des frégates
Et je rêve à cette île aux contours incertains
Dont parlent les pêcheurs lors de ces nuits d’agapes
Où le cœur nostalgique enchante les putains
Qui dans l’ombre du port, en des bouges minables,
Pour deux ou trois billets consolent les marins
De leur dernier naufrage et pertes effroyables
Les soirs de solitude embrumés des chagrins
Que fredonne la mer les nuits de lune rousse…
Rêves de boucaniers emportés par le sort,
Sur la crête des flots divague une voix douce,
Une sirène chante aux liserés du port…
Capitaine, il est temps d’écouter les étoiles,
D’apprivoiser les vents sauvages, sur le pont
De chevaucher la vague à l’ombre des grands voiles…
Cap sur l’Orient, sur les quais, l’orphéon
Annonce le départ et l’horizon chavire
À l’autre bout du monde entre le ciel et l’eau.
Sur les pas du soleil, vogue mon beau navire
Et découvre au matin un rivage nouveau,
Un pays parfumé de jasmin et d’épices
Où la soie et l’or fin scintillent sur la peau
Des femmes dont les yeux, taquins et complices,
D’une œillade de braise, invitent à l’amour
Pars mon grand bateau, va sur les gerbes d’écume
Cueillir la fleur de sel jusqu’au lever du jour
Et laisse derrière toi les saisons d’infortune…