Sur le sable, au hasard d’un chemin, j’ai jeté
Les runes, l’horizon sur lui-même vacille,
Il me semble entrevoir l’ombre d’une faucille
Au dessus de ma tête et je chute hébété
Dans l’abîme, le ciel, encré, sans profondeur
Ni perspective, est noir, impression étrange
De flotter sur un radeau, j’ouvre les yeux, un ange
Ou peut-être un gardien est là puis une odeur
De souffre me surprend, je vois mon corps couché
Sur les rives d’un fleuve immobile et sombre,
Pas un reflet ne vient égayer la pénombre,
Le paysage est vide et l’avenir bouché…
Ainsi passe la vie un jour on ouvre un œil,
On voit son quotidien et le monde s’écroule,
La tristesse et l’ennui, comme pierre qui roule,
Nous emporte loin au plus bas sur le seuil
Du néant et du rien qui le masque tombé
Nous abandonnent nus face à la solitude
A laquelle on survit d’une lâche attitude ;
Pourquoi nous faut-il croire à cet espoir plombé ?…
Lorsque dès le matin ne vient aucun désir,
Que tout nous paraît gris futile et dérisoire
Et qu’il nous faut encore inventer une histoire
Afin de se lever sans raison ni plaisir…
Intime confidence au nœud des vérités,
Me voici parvenu devant la porte close
Dont j’ai perdu la clef, ne reste plus grand-chose
A quoi me raccrocher sinon des fruits gâtés,
Une corde élimée, un miroir ébréché…
Je suis las, fatigué de chercher à comprendre
Cette vieille langueur pourrissante et peu tendre
Qui me fait chanceler comme un homme éméché.
L’âme et le cœur usé, je veux juste dormir,
Ne pas penser, flotter, seulement me suspendre
Ailleurs, inexistant et puis, surtout m’étendre ;
Sur le sein de Morphée à jamais m’alunir...